D’Une Rive L’Autre Associations

Espace d’échanges culturels entre les rives indiaocéaniques et continentale

Association internationale (Loi 1901)

La Part de LODS (réalisation : Annick Gendre)

                 Lorsqu’on s’engage dans la lecture des romans de Jean Lods, on réalise à quel point ses fictions et l’aventure de l’écriture dont elles témoignent sont le fruit du parcours particulier d’un homme, singulier par les rencontres qui l’ont scandé, ainsi que par les espaces qui le traversent. La rencontre de ses parents, à la veille de la seconde guerre mondiale, de la Polynésie à la France continentale, augure d’une tension essentielle que l’imaginaire individuel n’a eu de cesse d’investir. L’île de La Réunion, pendant antithétique de l’île de Texel dans la Mer du Nord, l’Europe continentale : autant d’escales qui signalent une dynamique dont l’écriture fictionnelle se fait l’épiphanie.

 

Mare-à-Citrons : « Ce matin-là comme tous les autres il y avait une morte dans l’étang. », incipit de La Morte Saison

 

 

« Je repris la perche et gagnai la rive opposée, celle que les immenses bambous recouvraient de leur ombre froide. Les longozes de la berge se couchèrent en crissant sous la poussée du radeau qui vint s’échouer avec un lent balancement. » , La Morte Saison

 

Frédérique Lods, la mère de l’auteur, a fait ses études à Paris, au Lycée Fénelon (Paris).

Mademoiselle Lods, élève de Louis-Le-Grand (première élève, 1er rang à droite)

Devenue professeur de mathématiques, elle rencontra à Nouméa Noël Martin-Deslias : tous deux pratiquaient le tennis dans le même club.

Noël Martine-Deslias et Frédérique Lods au Jardin des Plantes

Enceinte, elle a regagné la France, en cachant sa grossesse à ses proches. Ainsi Jean Lods est-il né à Montbéliard (France) le 5 avril 1938. Héricourt était le berceau de la famille Lods, de confession protestante. Sa mère était âgée de trente-sept ans. L’implantation de la famille Lods en Nouvelle-Calédonie remonte au XIXème siècle. Instituteur, le père de sa mère est le fondateur de l’école publique dans la capitale calédonienne.

La Famille Lods à Nouméa

 

Frédérique Lods sur le bateau en route pour Nouméa

« Debout à l’avant du Porthos qui arrache sa proue à la mer dans des gerbes d’écume, elle rêve. », page 32, Bleu des vitraux.

                 Le père de Jean Lods, Noël Martin-Deslias, était issu d’un milieu très modeste. Il était originaire de Charente (Massignac, près de La Rochefoucauld). Son père, bourrelier, devait faire vivre sept enfants. Repéré très tôt par un prêtre, comme un élève brillant, il entra dans un séminaire à Limoges. Probablement cet univers familial et scolaire doublement étouffant fut-il une invitation au voyage. En effet, devenu professeur de philosophie, il occupa successivement des postes en Tunisie, en Martinique où il rencontra pour la première fois Octave Mannoni, en Nouvelle-Calédonie (1937), à la Réunion puis à Madagascar (1942-1943). Il quitta brièvement Nouméa avant la guerre, pour la France, avant de rejoindre Saint-Denis où il enseigna la philosophie au Lycée Leconte Delisle, tandis que Mademoiselle Lods enseignait le français au Lycée pour filles Juliette Dodu. Celle-ci avait en effet poursuivi le père de son enfant jusqu’à Saint-Denis, mais ne tarda pas à découvrir sa relation avec Lucie Barbarin, professeur de français également qui venait d’enseigner au Caire et avec qui il ne tarda à se marier. Peu après la levée du blocus maritime, ce fut une lettre d’Octave Mannoni qui l’informa de la libération d’un poste à Tananarive où il s’installa avec son épouse pendant plusieurs années. Il invita à plusieurs reprises son fils qu’il ne connaissait pas à passer ses vacances chez lui, dans la capitale malgache. Mais ce fut en vain, ce que Jean Lods regretta par la suite : « Le cours de ma vie en aurait probablement été complètement changé ». Lorsque son fils eut dix-sept ans, il lui offrit sa première machine à écrire, cadeau éminemment symbolique, qui contribua certainement à la naissance d’une vocation.

                 S’il fut peu remarqué en tant que professeur, Noël Martin-Deslias se distingua en revanche en tant que philosophe chrétien. En témoignent huit essais publiés après la guerre, aux éditions Nagel (confer bibliographie ci-dessous), ainsi que deux préfaces signées par Jules Romains et André Maurois.

                         Mademoiselle Lods demeura, durant les quinze années qu’elle passa dans l’île, près du Lycée où elle enseignait, à Saint-Denis, rue Juliette Dodu. Lorsque son fils eut onze ans, elle obtint le congé de deux ans, accordé aux fonctionnaires coloniaux. Elle passa ces deux années à Paris, tandis que son fils vécut « les meilleures années de [s]a jeunesse » dans un pensionnat à Hyères. Au milieu d’un parc, un ancien grand hôtel avait été réaménagé par l’Education Nationale. Jean Lods y reçut peu de visites de sa mère. Son entrée dans la puberté coïncida avec cette séparation de la tutelle maternelle et de ce fait, avec une libération de l’emprise étouffante de la relation à la mère. Très exigeante à l’égard de son fils,  sa mémoire fut durablement honorée par ses anciens élèves, qui admiraient en elle autant ses compétences que ses qualités de pédagogue.

                         A La Réunion, Jean Lods et sa mère furent très vite accueillis par la famille Payet. Participant à leur vie familiale, ils les suivirent dans la plupart de leurs lieux de villégiatures.

Jean Lods enfant, à Trois  Bassins

Repas de famille chez les Payet (Jean Lods, quatrième à gauche)

Mademoiselle Lods et Madame Payet, surnommée « Maman Pitié », jouèrent un rôle essentiel dans la vie du jeune lecteur .

 

La maison de Mare à Citrons (La Morte Saison et Le Bleu des vitraux) possédait une pièce à part entière qui renfermait une véritable bibliothèque privée. Le fonds, aussi riche qu’éclectique, était nettement bipartite.                   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                        

 

L’ESPACE D’UNE VIE, BIOGRAPHIE-FICTION DE JEAN LODS*, par Annick Gendre

 

* Tous les documents iconographiques ci-dessous nous ont été confiés par l’auteur. Nous les diffusons avec son autorisation, en le remerciant avec gratitude. AG

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L’araucaria de Mare à Citrons (clichés pris dans les années 1950)

La maison des Payet (Mare à Citrons, cliché pris au milieu des années 1970)